Programme : Raconte-moi l'espace

Est-ce que les fusées polluent l'espace ?

20 Sep 2023 - 6 minutes
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Résumé de l'épisode

Est-ce que les fusées polluent l'espace ? Christophe Bonnal, Expert sénior à la Direction de la stratégie au Centre national d'études spatiales, répond à la question ! Lors d’un décollage, l’impressionnant panache de fusée qui sort de la fusée n’est, dans la plupart des cas, qu’un nuage d’eau.

Qu’est-ce qui sort de la fusée lors du décollage ?

 

Il y a un point qui est important évidemment, au moment du décollage d'une fusée, on voit des gros nuages, on voit d'énormes fumées et autres, on a l'impression que ça pollue. En réalité, dans la très grande majorité des cas, c'est juste un nuage, un nuage d'eau comme les nuages qui sont au-dessus de ta tête.

C’est-à-dire, on se sert de carburant qui est de l'hydrogène liquide et de l'oxygène, qui sont les deux constituants qui génèrent l'eau et donc finalement on a des moteurs qui fabriquent des nuages, donc sans aucune pollution. Alors en réalité, il faut gratter un petit peu plus parce qu'il ne fabrique pas de pollution et ne génère pas de pollution quand il fonctionne mais par contre il faut déjà être capable de générer et de fabriquer l'hydrogène et l'oxygène.

Alors l'oxygène ça ne pose pas de problème. L'hydrogène, pour le moment, on ne sait pas bien le faire et donc la production d'hydrogène pollue. Heureusement pour ça, on y travaille beaucoup au CNES, par exemple dans des usines pilotes en construction en Guyane pour essayer de faire du carburant propre. Ça, c'est quelque chose qui va venir bientôt.

 

Et après le décollage, que se passe-t-il pour la fusée ?

 

Après le décollage, évidemment, la fusée va suivre une trajectoire qui va monter vers l'orbite et au fur et à mesure qu'on monte, on va se séparer de gros morceaux, qu'on appelle les étages de la fusée et qui eux, vont retomber dans l'Atlantique, quand on tire depuis Kourou. Donc soit ils brûlent à la rentrée, soit ils survivent à la rentrée et alors ils vont descendre au fond de la mer pour rouiller. Et d'ailleurs ça va servir de bonne zone d'amusement pour nos poissons et nos crabes qui adorent nos vieilles épaves.

On se sépare de nos étages au fur et à mesure qu'on monte. Et puis, une fois qu'on arrive en orbite, là on va aller séparer le satellite sur sa trajectoire et généralement on laisse le dernier étage de la fusée en orbite également au-dessus de nos têtes avec le satellite.

Ça c'est pas bien parce que quelque part on abandonne les vieux étages de fusée et les vieux satellites une fois qu'ils ont servi après 5 ans, 10 ans, 15 ou 20 ans de bons et loyaux services. Exactement comme si on abandonnait une voiture au bord de l'autoroute simplement parce qu'elle n'a plus d'essence.

Mais ça, ça pose vraiment un problème parce qu'on a un encombrement phénoménal aujourd'hui, au niveau de l'espace et cet encombrement se traduit par des collisions entre les objets. Ces objets génèrent des débris, pleins de nouveaux débris et qui eux-mêmes n'ont qu'une envie, c'est de rentrer en collision avec d'autres satellites et générer d'autres débris. Et ça, c'est vraiment quelque chose qui pose un problème sur lequel, heureusement, nous travaillons beaucoup.

Le CNES est la première agence mondiale à avoir établi une loi sur le sujet. On a vraiment une loi et on est en train de travailler beaucoup au niveau international pour convaincre nos petits camarades des autres agences au niveau international qu'il faut œuvrer en ce sens de manière à avoir un spatial propre demain.

 

Des activités humaines sans pollution, est-ce possible ?

 

Il faut bien comprendre qu'on n'est pas capable d'avoir des activités humaines sans pollution, tout ce qu'on fait pollue. Donc la question, ce n'est pas trop est-ce qu'on pollue ? La question c'est : est-ce qu'on pollue en faisant quelque chose qui est utile ? C'est à dire est ce que ma pollution a servi à quelque chose ou pas ? Il est clair que si c'est totalement inutile, alors il faut absolument tout faire pour l'éviter. Le spatial, c'est quelque chose qui est vital au sens fondamental pour ta vie.

On ne sait pas vivre sans satellites. Par exemple pour l'environnement, pour comprendre le réchauffement climatique de la Terre, la vitesse des vents, etc. Ou pour la météo, on a fondamentalement besoin de satellites pour l'observation de la Terre, pour tout ce qui est agriculture, pour tout ce qui est navigation, satellite de navigation : ton GPS pour aller chez mamie ça vient de l'espace et donc on ne peut pas imaginer d'avoir un monde sans satellites.

C'est une pollution qui est tellement associée à quelque chose qui est fondamental pour nos vies... qu'on fait de notre mieux.

Merci Christophe Bonnal, Expert sénior à la Direction de la stratégie au Centre national d'études spatiales.

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