Je m'appelle Nino, j'ai dix ans. Qu'est-ce qu'il se passerait si quelqu'un meurt dans la station spatiale ?
Bonjour Nino. Je m'appelle Jacques. Ta question me touche beaucoup parce que, vois-tu, je travaille au CNES précisément sur les questions humaines : la manière dont nous, les humains, nous nous comportons dans l'espace lorsque nous envoyons des satellites, des sondes vers d'autres planètes ou bien, lorsque nous envoyons des équipages d'astronautes et de cosmonautes.
Thomas Pesquet nous aide à y voir plus clair
En fait, c'est une question assez difficile que tu me poses. Alors je l'ai posée à un autre spécialiste, et pas des moindres, puisque c'est notre ami Thomas Pesquet.
Que m'a-t-il répondu ? il a commencé par me dire : eh bien, tu sais, la mort d'un astronaute dans la station spatiale est un événement peu probable. Pour quelle raison ? Parce que les astronautes sont d'abord sélectionnés et ensuite entraînés pour être des personnes en très bonne santé.
Et puis, quand ils sont dans la station spatiale, ils sont surveillés en permanence par des équipes de médecins.
Si bien que si l'un d'entre eux tombait gravement malade, on se dépêcherait de le ramener sur Terre, c'est quelques heures de voyage, pour pouvoir le soigner dans un hôpital et le sauver.
Il peut toutefois arriver un accident, une mort brutale. Alors, dans ce cas-là, m'a dit Thomas Pesquet, on se dépêcherait de le mettre dans un cercueil, un cercueil en toile, un grand sac, de manière à l'isoler évidemment des vivants.
Qu'est-ce qu'on va faire du sac ?
La chose la plus simple, c'est de le mettre dans un vaisseau, le sangler sur un fauteuil, et puis, avec deux astronautes, eux bien vivants, de retourner sur Terre et puis de rendre cette pauvre personne à sa famille. C'est la solution que l'on choisirait immédiatement.
Pourquoi ? Parce que certains se sont dit : les astronautes, ce sont les navigateurs de l'espace. Et leur équivalent, ce sont les marins. Il y a une vieille tradition parmi les marins : lorsqu'on se trouve loin des terres, et bien on immerge, on jette à la mer, le cadavre dans un cercueil en toile. Parce qu'il faudrait des semaines pour rejoindre la terre ! Mais là, nous sommes à quelques heures de navigation de la planète, donc on prendra directement ce petit vaisseau.
Et puis, il faut aussi reconnaître une chose, c'est qu'abandonner un cadavre dans les orbites autour de la Terre, d'abord c'est très proche de la planète, et puis c'est rejoindre un endroit où il y a déjà des tas de débris... ce n'est pas très respectueux.
Et Thomas Pesquet, qui connaît bien son affaire, m'a dit : en plus il y a des problèmes techniques. Alors, Nino, je ne saurais pas te les expliquer : des questions de porte à ouvrir, de sas à contrôler, qui, dans le cas d'un cadavre, serait un peu trop compliqué, éventuellement dangereux pour les astronautes qui, eux, doivent rester bien vivants.
Comment ça se passera dans le cas des voyages vers Mars ?
Mais alors vas-tu me dire, qu'est-ce qui va arriver dans le cas d'un voyage vers Mars ? Parce que là, c'est pas quelques heures, très rapidement, ça devient des semaines et des mois de voyage ! Pas question de faire demi-tour, et de toute manière, ça prendrait des semaines voire des mois.
Il y a toujours, évidemment, la solution du grand sac dans lequel on met le cadavre. Mais que va-t-on faire de ce sac ? Là, la solution des marins serait parfaitement acceptable et respectable. Parce que l'espace, c'est un grand vide. Et donc l'espace entre les planètes deviendrait la sépulture de cet astronaute qui serait malheureusement mort durant cette mission. Sans doute que pour ces longues missions, on prévoirait des systèmes plus simples pour pouvoir sortir son cadavre.
D'autres solutions sont aujourd'hui imaginées, l'une d'entre elles consisterait à réduire en poudre - désolé de l'image - ce cadavre. Et dans ce cas-là, lorsque le vaisseau reviendrait sur Terre, eh bien on remettrait cette poudre de l'astronaute mort à sa famille.
Tu vois, ta question est extrêmement importante Nino parce que, tu ne le sais peut-être pas, mais lorsque nous menons des fouilles archéologiques et que nous trouvons des restes de population, si ces populations portent un respect particulier pour leurs morts, c'est que ce sont des humains.
Et donc demain, quand nous irons vers Mars, nous devons être encore et surtout demeurer, des humains. Alors nous devons, dès aujourd'hui, penser à ce que nous ferons des morts dans l'espace.
Merci, Jacques Arnould, expert éthique à l'agence spatiale française le CNES.
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